Quand l’Homme s’emmerde, il fait la guerre. Après, évidemment, il regrette, et pour se donner bonne conscience, il construit dans chaque recoin des monuments à sa propre stupidité. Ça fait des repères géographiques clairs, et ça permet d’aérer nos vieux une ou deux fois par an…
Les styles qu’on retrouve dans ces édifices sont variés, mais gravitent souvent autour du patriotique :
du compassionnel :
du spectaculaire :
voire, dans certains cas, du zoologique :
Globalement, quand on découvre un tel monument, on l’associe sans trop de mal à son objet : célébrer l’abreuvage de nos sillons par des hectolitres de sang impur, et ce dans quasiment tous les pays du monde.
La Yougoslavie en revanche a choisi de ne pas succomber aux sirènes du classicisme, s’engageant avec enthousiasme entre 1950 et 1970 dans un style très personnel que j’intitulerai “soviéto-what-the-fuck post-apocalyptique” faute de mieux. Saoulés au béton et au cocktail vodka-antigel, les architectes titistes se sont lâchés. Ils ont parsemé le territoire d’incroyables structures appelées spomeniks censées exorciser les ravages de la 2ème guerre mondiale, et récemment redécouvertes par le photographe Jan Kempenaers
Certes, on retrouve bien quelques soupçons de figuratif dans ce trio de poings levés :
ou dans cet ange à l’Etoile Rouge :
Cependant, on tombe rapidement dans le très abstrait :
ou le très symbolique :
Le summum du what-the-fuck est atteint par le spomenik de Kruševo, une sorte de mégavirus dont on s’attend à voir sortir Kolkozz le 5ème Teletubby, héros de l’Union Soviétique :
Tandis que la palme de l’épouvante revient sans conteste au monument de Podgaric. Imaginez-vous au crépuscule, grimpant en haut d’une colline froide et venteuse, pour tomber nez à nez avec ça :
Je ne sais pas quelle action héroïque a inspiré ce fantastique Oeil de Sauron coiffé du casque d’Astérix. Mais je sais ce que je veux sur ma tombe…